CAN 2015. L’histoire insensée du plus grand cafouillage de l’histoire du football marocain

Ce lundi 3 novembre devait être un jour de triomphe pour le ministre marocain de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Ouzzine. Mais ce ne fut que l’ultime épisode d’un pataquès qui risque de coûter cher au royaume du Maroc. La Confédération Africaine de Football a asséné un violent coup de matraque au gouvernement marocain en la personne du ministre de la Jeunesse et des Sports. En plein cœur de la capitale chérifienne, la CAF a adressé un ultimatum à l’Etat marocain, qui avait demandé le report de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2015. Il a jusqu’au samedi 8 novembre pour se prononcer : va-t-il ou non abriter la CAN 2015 ? Mohamed Ouzzine qui était jusque-là très volubile, a avalé sa langue et a préféré se faire très discret, esquissant à peine un timide et peu convaincant « nous chercherons une solution consensuelle ». Maigre réponse d’un ministre chantre de la « souveraineté nationale » à une CAF qui s’est montrée intraitable et surtout arrogante.

« Cette affaire a été très mal gérée par les Marocains depuis le début », affirme en souhaitant garder l’anonymat un haut responsable de la CAF. Rappel des faits. Le vendredi 10 octobre Ouzzine appelle le président Issa Hayattou à l’heure du dîner pour l’informer que le Maroc comptait introduire auprès des instances africaines une demande de report de la CAN 2015 prévue en Janvier-Février au royaume. Issa Hayattou est pris de court. « J’ai reçu un coup de massue sur la tête », avoue à ses proches. Il demande alors à son interlocuteur un petit délai afin d’informer le Comité exécutif de ce rebondissement. Une heure après, le communiqué officiel du ministère de la Jeunesse et des Sports le prend au dépourvu. Le président de la CAF depuis 26 ans est sous le choc. Pour lui le geste du Maroc est inamical. « Une trahison », dira-t-il plus tard. Et Mohamed Ouzzine ne

se contente pas de cet impair. Il multiplie les sorties fracassantes en faisant dans la démesure. Il invoque pêle-mêle une décision souveraine, l’intérêt national, la protection des Marocains et des Africains, et cerise sur le gâteau affirme que le Maroc n’organisera pas la CAN 2015 aux dates initiales et cela coûte que coûte. Du côté de la CAF, face au à l’empressement marocain, on préfère temporiser. Issa Hayattou sait que le temps joue pour lui et que si le Maroc décide de se désister, ce sont les portes de l’enfer qui vont s’ouvrir pour le royaume.

Et les Marocains le savent. Ils envoient alors une délégation au Cameroun rencontrer le patron du football africain. Lors de la réunion, l’ambiance est pesante. Issa Hayattou parle peu, alors qu’Ouzzine qui était accompagné du président de la Fédération Royale Marocaine de Football, Faouzi Lakjaâ insiste pour que le report ait lieu. A peine la réunion terminée que plusieurs journaux électroniques marocains font fuiter des informations sur l’acceptation par la CAF d’un report de la compétition. « Ces informations qui sortaient alors que l’avion des Marocains était encore sur le tarmac de l’aéroport mettent Hayattou dans une grande colère», nous raconte un proche du vieux président. Certains membres du comité exécutif de l’instance africaine poussent pour une annulation pure et simple de la CAN 2015, en exigeant que le Maroc en assume les conséquences politiques, sportives et financières. Rabat ne compte pas que des amis en Afrique, et plusieurs pays l’attendent au tournant. Le camerounais, qui estime justement avoir une dette envers Rabat, résiste à son comité exécutif et retarde la décision. Il préfère venir voir les Marocains chez eux et écouter leur argumentaire. Le dimanche 2 novembre en fin d’après-midi, une délégation de la CAF conduite par le « Président » atterrit à Casablanca. Les Marocains ont mis les petits plats dans les grands pour la recevoir. Jusqu’à 2 heures du matin, Issa Hayattou écoute les Marocains sans broncher. Lundi matin, alors que l’audience n’était pas initialement prévue, il est reçu pour trente minutes par le chef du

gouvernement Abdelilah Benkirane, qui semble peu informé sur le dossier. De retour à l’hôtel Sofitel, la délégation de la CAF s’enferme pendant une heure avec les responsables marocains. Rien ne filtre. L’ambiance est tendue. Enfin, le chargé de la communication lit dans les jardins de l’hôtel un communiqué cinglant de la CAF qui enjoigne au Maroc de préciser sa position dans un délai de cinq jours. Rabat est déboutée. La Confédération pousse l’avantage sur le royaume, qui est au bord de l’humiliation. Les membres de la délégation de la CAF s’engouffrent dans les voitures luxueuses mises à leur disposition par la FRMF. Les officiels marocains ne savent plus où donner de la tête. Aucune déclaration. Un silence assourdissant.

Le mardi 4 novembre, Mohamed Ouzzine jusque-là porté-disparu émerge à nouveau et convoque les journalistes pour un point de presse dans l’après-midi au siège de son ministère. Deux heures après, le ministère rappelle les journalistes pour leur annoncer que le point de presse est annulé et qu’un communiqué suivra. Nous sommes au summum de l’improvisation et du cafouillage. « Alors que le Maroc était dans une position confortable, il a réussi à se compliquer la tâche et se mettre à dos toute l’Afrique », s’indigne un ancien dirigeant du football marocain. Un autre gâchis dû à l’amateurisme de certains ministres en poste.