La lente descente vers les abîmes de Karim Ghellab

C’est du haut de ses 47 ans que ce jeune politicien istiqlalien aux allures de jeune premier de la classe, aujourd’hui président de la Chambre des Représentants, voit sa carrière politique prendre un sérieux [onlypaid] coup de griffe. « Parachuté » ministre de l’Equipement et du Transport dans le gouvernement de Driss Jettou en 2002 sous l’étiquette de l’Istiqlal, alors qu’il affichait clairement sa sympathie pour le PPS, il a su faire oublier cette tare originelle et s’imposer comme l’un des meilleurs ministres du cabinet Jettou. Ceci lui permet de remporter les élections communales dans l’arrondissement de Sbata et de briguer dans la foulée la mairie de Casablanca. La défaite devant Mohamed Sajid lui laisse un goût amer. Il se replie alors sur le ministère dont il a la charge. Il réussit à faire aboutir un ambitieux plan autoroutier, lance la modernisation de l’arsenal légal du ministère du Transport et fait entrer le Maroc dans l’Open Sky. Cela dit et malgré un bilan plutôt positif, Karim Ghellab fait face à une fronde de la part des transporteurs qui mènent plusieurs grèves l’obligeant à retarder à maintes reprises la réforme du Code de la route. Selon un de ses proches, Karim Ghellab est un très bon technocrate dont le talon d’Achille est sa méconnaissance des réalités humaines du pays. Le Code de la route qu’il réussit à affaire adopter est très mal accueilli par l’opinion publique, notamment en raison de son caractère excessivement répressif. Un autre raté est à mettre au passif de ce lauréat des Ponts et Chaussées. Sa gestion du secteur maritime, trop libérale et mal adaptée, est vécue par les opérateurs comme une catastrophe nationale. L’histoire gardera que c’est pendant qu’il était ministre que le Maroc a perdu son pavillon. De même en ce qui concerne son passage en tant que député et maire de l’arrondissement de Sbata. Les habitants gardent de lui une image mitigée. Pas du tout à l’aise dans la gestion des affaires municipales, il préfère bouder son poste et déléguer à ses adjoints. En 2009, il n’arrive pas à se faire élire maire à nouveau. Un désaveu clair qui préfigure une lente descente politique vers les abîmes. En 2011, alors que personne ne misait sur lui, il prend la présidence de la Chambre des représentants grâce à une alliance entre le PJD, l’Istiqlal et le Mouvement populaire. Certains députés le raillent en public. Les autres remarquent qu’il a du mal à rentrer dans les habits de président. Des habits déjà portés avant lui par Abdelwahed Radi et Ahmed Osman. Le nouveau président est jugé mou, hésitant et surtout manquant de charisme. Lors des séances mensuelles consacrées par la Chambre des Représentants au Chef du gouvernement, il ne se montre pas à son aise. Sur le plan de la diplomatie parlementaire, Karim Ghellab n’arrive pas à capitaliser sur les acquis des anciens présidents. Pour quelqu’un qui devait être l’un des personnages clés du nouvel échafaudage constitutionnel, on est loin du compte. Les langues se délient et on parle de plus en plus d’erreur de casting. D’ailleurs, quand Karim Ghellab choisit de se ranger derrière Hamid Chabat qui décide de claquer la porte de la majorité et de quitter le gouvernement, il fait un choix crucial qui l’engage politiquement. Les observateurs s’attendent alors à un geste « courageux » de sa part en présentant sa démission de la présidence du parlement puisqu’il ne fait plus partie de la majorité. Il n’en fait rien et préfère se murer dans un silence à la fois gêné et incompréhensible. Il tient à terminer son premier mandat qui arrive à échéance en avril 2014. La nouvelle majorité en perspective compte fermement le déloger du perchoir et d’y placer un député qui en serait l’émanation.[/onlypaid]