
Le limogeage brutal de Nacer El Djen (DGSI) et d’Ali Badaoui (DGSN) révèle un bras de fer sourd entre le clan présidentiel et le cœur dur de l’armée. Au centre : un président de plus en plus isolé, un régime en quête de contrôle total, et une instabilité sécuritaire chronique qui inquiète jusqu’aux alliés traditionnels de l’Algérie.
Nommés à grands renforts de communication comme les nouveaux visages du renseignement et de la police, le général-major Nacer El Djen et le directeur général de la sûreté nationale Ali Badaoui viennent d’être éjectés sans ménagement de leurs postes respectifs. Un double limogeage qui en dit long sur les luttes intestines qui secouent l’appareil sécuritaire algérien.
Selon des sources proches du sérail, ces deux figures ont été brutalement interpellées par l’armée, sous ordre direct du chef d’état-major Saïd Chengriha, excédé par leurs accointances jugées trop étroites avec le clan présidentiel d’Abdelmadjid Tebboune. À leurs yeux, les deux hommes avaient franchi une ligne rouge : s’inscrire dans la galaxie Boualem Boualem, l’éminence grise de la présidence, au mépris des équilibres imposés par le haut commandement militaire.
Tebboune, président isolé et affaibli
Le président Tebboune, qui croyait pouvoir s’adosser à une équipe sécuritaire loyale pour affermir son autorité, se retrouve plus que jamais affaibli et seul. Il traîne, selon les militaires, l’image d’un chef d’État encombrant, dont la diplomatie erratique contribue à l’isolement croissant de l’Algérie sur la scène régionale.
De la Libye au Sahel, du Maghreb à l’Europe, en passant même par la Russie et les pays du Golfe, l’Algérie semble aujourd’hui sans boussole ni appuis fiables. L’hyper-présidentialisation du régime et les tentatives de verrouillage de l’appareil sécuritaire n’ont fait qu’accentuer une perte de crédit alarmante, même auprès des partenaires historiques.
Retour d’un fantôme du passé
Pour remplacer El Djen à la tête de la DGSI, c’est le général Abdelkader Aït Ouarabi, alias « Hassan », bientôt octogénaire, qui revient sur le devant de la scène. Une nomination qui laisse pantois : ce vétéran de la décennie noire, ancien bras droit du général Toufik, a non seulement été condamné pour trafic d’armes et divulgation de secrets militaires, mais aussi reconnu pour sa gestion catastrophique de la prise d’otages d’In Amenas.
Ce retour en grâce d’un condamné ressuscite les vieux démons du DRS, cet empire de l’ombre que Gaid Salah avait démantelé pour mieux affermir son autorité post-Bouteflika. Une résurgence qui donne l’impression d’une armée en pleine confusion stratégique, oscillant entre purge aveugle et recyclage d’anciens faucons.
Instabilité sécuritaire chronique
Depuis cinq ans, quinze généraux se sont succédé à la tête des services de renseignements algériens, souvent pour des durées n’excédant pas quelques mois. La DGSN, quant à elle, vient de perdre son quatrième patron sous Tebboune. Ce rythme effréné de limogeages affaiblit dangereusement la chaîne de commandement, et renforce le sentiment d’une armée livrée à ses propres contradictions.
À mesure que la grande muette se radicalise dans sa volonté de neutraliser la scène politique, le président Tebboune semble n’être qu’un paravent temporaire, toléré tant qu’il ne menace pas l’équilibre du système. Mais à vouloir jouer la carte de la loyauté sécuritaire à son profit, Tebboune a réveillé les instincts de préservation d’une armée qui ne veut plus d’un second mandat pour un président jugé disqualifié sur le plan régional.
En somme, l’Algérie vit un moment de bascule : un pouvoir présidentiel cerné, une armée qui omniprésente, et des institutions sécuritaires sans colonne vertébrale. Dans ce théâtre d’ombres, le prochain acte pourrait bien être celui de l’éjection pure et simple du chef de l’État.