
Enquête Maghreb Intelligence – Depuis juillet 2025, un nom circule discrètement dans certains cercles jeunes et connectés au Maroc : Exaku Business Club. Officiellement présenté comme un club international de développement personnel et de réseautage entrepreneurial, le groupe a organisé son pré-lancement dans les salons feutrés de l’hôtel Eurostars Casa Anfa, à Casablanca, le 21 juin 2025, sous prétexte de “lancement presse”, en présence de recruteurs venus de l’étranger.
Quelques jours plus tôt, la société EXAKU BUSINESS CLUB MAROC avait été constituée le 16 juin 2025, à Casablanca, sous la forme d’une SARL à associé unique, avec un capital social de 10.000 dirhams. Elle est enregistrée au Registre du Commerce sous le n° 682635, dépôt légal n° 977478 (selon des documents dont Maghreb Intelligence dispose).
Le gérant et unique associé est un citoyen français. L’objet officiel de la société, tel que déclaré, couvre un champ large : “prestation de services de connexion des entreprises, développement d’affaires, organisation d’événements et de formations physiques et digitales sur des thématiques variées”. Un libellé vague, typique des structures qui masquent des activités de recrutement déguisé ou de coaching sans contenu tangible.
Une expansion méthodique dans plusieurs villes marocaines
L’implantation d’Exaku ne se limite pas à Casablanca. Selon nos sources, le 24 juin 2025, une seconde rencontre s’est tenue à Rabat, dans un format similaire, avec des participants recrutés localement. La même mécanique y a été déployée : prise de contact personnalisée, discours de motivation, et incitation à l’adhésion par abonnement. Une nouvelle étape est déjà programmée pour le début du mois d’août à Marrakech, preuve que le réseau déploie une stratégie nationale structurée. Cette expansion rapide repose sur des relais locaux et une prospection active via les réseaux sociaux, visant à occuper discrètement le terrain avant toute réaction des autorités.
Un fonctionnement classique, mais redoutable
Selon une enquête indépendante menée par des journalistes européens, le fonctionnement d’Exaku repose sur un principe simple : chaque nouveau membre paie un abonnement et est ensuite incité à recruter d’autres personnes pour “monter en grade” au sein d’une hiérarchie interne. À chaque nouveau recrutement, des commissions sont versées aux membres situés au-dessus dans la chaîne.
Le problème est structurel : aucun service réel n’est commercialisé au-delà de l’abonnement lui-même. Les “formations” proposées sont souvent superficielles ou anecdotiques. En réalité, l’argent versé par les nouveaux adhérents sert à rémunérer ceux qui les ont recrutés, dans un circuit fermé. C’est la définition même d’un système pyramidal, interdit dans de nombreux pays, car mathématiquement insoutenable : lorsque le recrutement ralentit, la structure s’effondre, et la majorité des membres – ceux en bas de la chaîne – perdent leur mise.
Le Maroc, un terrain connu pour les systèmes à risque
Le Royaume n’en est pas à sa première exposition à ce type de mécanismes. Au cours des dix dernières années, plusieurs réseaux comparables ont été déployés au Maroc : plateformes de coaching bidon, fausses entreprises de marketing digital, ou clubs de trading non régulés. La plupart ont fini par disparaître dans la controverse, laissant derrière eux des jeunes endettés, des familles déchirées, et aucun recours légal.
Dans certains cas, les entreprises n’étaient ni immatriculées localement ni régulées, échappant ainsi à tout contrôle. Le schéma est toujours le même : un discours de réussite, des témoignages séduisants, une promesse de gain passif, et une pression constante à “faire entrer ses proches”.
Avec Exaku, le scénario se répète, mais cette fois avec une façade légale plus soignée, un discours mieux calibré, et une stratégie d’implantation plus méthodique.
Une légalité de façade, des pratiques contestables
La loi 31-08 sur la protection du consommateur interdit explicitement les pratiques commerciales qui font espérer un gain en contrepartie du recrutement de nouveaux consommateurs. Le Code pénal marocain permet également de poursuivre toute activité économique fondée sur des promesses fallacieuses ayant causé un préjudice.
Par ailleurs, toute activité financière ou de placement de fonds est soumise à un agrément préalable délivré par l’AMMC ou Bank Al-Maghrib. Or, Exaku ne figure à ce jour dans aucun registre d’agrément public, ni au Maroc, ni en Europe. Tout indique que le cœur du modèle repose uniquement sur l’élargissement du réseau, sans activité génératrice de valeur externe.
Un modèle toxique, déguisé en ascenseur social
Sous son vernis esthétique et son jargon motivant, Exaku propose un modèle économique profondément toxique. Le danger n’est pas seulement financier. Il est aussi psychologique et social : les membres sont encouragés à impliquer leurs amis, leur famille, voire leurs collègues, transformant des liens de confiance en relais commerciaux.
La perte financière est souvent suivie d’un sentiment de honte, d’isolement, voire de rupture dans les relations personnelles. Les plus jeunes sont les plus vulnérables, car plus exposés à ces discours sur “la réussite rapide” et “l’indépendance avant 30 ans”.
Ce n’est plus simplement une fraude commerciale. C’est une méthode sophistiquée d’exploitation émotionnelle, parfaitement rôdée, et désormais officiellement implantée au Maroc.
Aujourd’hui, Exaku est là. Enregistrée, structurée, active. Le silence des institutions pourrait lui servir de tremplin, à l’heure où le réseau se déploie dans plusieurs villes marocaines sous couvert d’événements privés, de séminaires et de formations.
Les signaux d’alerte sont documentés, recoupés, clairs. Il appartient désormais aux autorités économiques, judiciaires et réglementaires de prendre position, avant que ne se répète un scénario déjà trop vu : des centaines de jeunes piégés, des fonds évaporés, et des coupables introuvables.
Maghreb Intelligence reviendra sur ce sujet dans ses prochains articles, et poursuivra ses investigations sur l’expansion de ce réseau au Maroc.