
Les prochains jours pourraient marquer un tournant pour Glovo au Maroc. Selon nos informations, les livreurs affiliés à la plateforme espagnole prévoient un sit-in le 1er septembre devant le siège de l’entreprise, suivi d’une grève nationale dès le lendemain. Une mobilisation d’ampleur inédite, qui s’ajoute à une accumulation de tensions sociales, techniques et réglementaires.
À l’origine de ce nouveau bras de fer, plusieurs mois de protestations et la création d’un bureau syndical affilié à l’UMT – une première dans ce secteur où les coursiers sont généralement considérés comme de simples “partenaires indépendants”. Les séances de médiation n’ont pas permis de désamorcer la crise. Selon nos sources, la dissolution pure et simple du bureau syndical aurait même été évoquée comme condition préalable à la satisfaction des revendications. Une ligne rouge franchie pour les représentants, qui ont choisi de durcir leur mouvement.
Fraudes, décès et incidents techniques
Au printemps, des alertes ont circulé sur les réseaux sociaux, évoquant des paiements frauduleux effectués avec les cartes bancaires de clients marocains. Glovo a démenti toute faille ou fuite de données, assurant que ses systèmes étaient sécurisés. Le mal était fait : une partie de la clientèle a retiré ses informations bancaires de l’application.
Le 6 août dernier, un livreur est décédé à Casablanca après avoir été percuté par un bus. Un drame qui ravive le débat sur la sécurité des coursiers, soumis à une forte pression algorithmique et à des conditions de travail précaires. Ce n’est pas un cas isolé : selon des associations de défense des livreurs, plusieurs accidents graves, parfois mortels, se sont produits ces derniers mois, sans qu’une politique claire de prévention ou d’accompagnement ne soit mise en place par l’entreprise.
En juillet, c’est un incident cartographique qui a déclenché la polémique : dans l’application des coursiers, la carte du Maroc apparaissait tronquée. Glovo a parlé d’un “bug technique” corrigé rapidement, mais l’affaire a provoqué un tollé et des critiques sur la vigilance de la plateforme à l’égard de l’intégrité territoriale.
Suspension à Nouaceur et crise réglementaire
Le 23 juillet, coup de tonnerre administratif : Glovo est suspendue dans toute la province de Nouaceur, incluant Bouskoura, Dar Bouazza, Oulad Saleh, Oulad Azzouz et Nouaceur. Les autorités invoquent des violations multiples : absence de contrôle sur l’identité des livreurs, partage illégal de comptes, non-respect des règles de sécurité routière, défaut de paiement des redevances communales et infractions aux normes sanitaires. Une sanction ferme et inédite, qui pourrait servir de précédent dans d’autres régions.
Un modèle fragilisé dans un marché en expansion
Depuis 2024, Glovo accumule les revers : enquête du Conseil de la concurrence pour abus de position dominante, notification de griefs en mai 2025, puis accord transactionnel en juillet dernier imposant suppression des clauses d’exclusivité, plafonnement des commissions et création d’un fonds de soutien aux livreurs.
Pour de nombreux observateurs, ces épisodes traduisent un modèle de management fragile, mal adapté à un marché marocain en plein essor, porté par l’urbanisation rapide et l’essor de la consommation. Une dynamique qui devrait s’accélérer avec deux rendez-vous majeurs : la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030, co-organisée par le Maroc avec l’Espagne et le Portugal.
Des concurrents à l’affût
Cette fragilité attise déjà les convoitises. Après son retrait en 2019, Uber Eats envisagerait discrètement un retour. Bolt Food surveille le marché et pourrait renforcer ses positions, tandis que des acteurs régionaux et des “super-apps” marocaines se préparent à occuper l’espace si Glovo cède du terrain.
Bras de fer social, incidents de sécurité, sanctions administratives, polémiques techniques… Les fissures s’accumulent. Dans les coulisses du secteur, la question est désormais posée : qui mène Glovo au mur au Maroc ?