
Le rapport parlementaire Rodwell-Lefèvre, révélé par Le Point, met un chiffre sur un tabou diplomatique : 2 milliards d’euros par an, c’est le coût estimé pour la France de l’accord franco-algérien de 1968. Signé à l’origine pour encadrer l’immigration de travail, ce texte accorde aux ressortissants algériens un régime dérogatoire unique en Europe, leur garantissant un accès facilité au séjour, au regroupement familial et aux aides sociales, tout en échappant au droit commun.
Les rapporteurs dénoncent une « exception migratoire » devenue anachronique, façonnée par la jurisprudence et la frilosité politique. En pratique, les Algériens bénéficient de conditions d’installation plus souples que tout autre étranger : regroupement familial possible après un an de présence, accès direct au RSA et à l’Aspa, retraits de titres de séjour quasi impossibles, même en cas de condamnation pénale. Cette asymétrie juridique, héritée d’un contexte post-guerre d’Algérie, aurait, selon eux, « déformé la nature de l’immigration algérienne », aujourd’hui largement familiale et faiblement insérée dans le marché du travail.
Mais derrière les chiffres, c’est le blocage politique et diplomatique qui ressort. L’Élysée redoute toute tension supplémentaire avec Alger, alors que les relations bilatérales sont déjà au plus bas. Les tentatives de renégociation ont échoué, et la France continue d’assumer seule le coût d’un cadre juridique que l’Algérie refuse d’amender. Un haut diplomate reconnaît que « l’accord de 1968 est objectivement favorable aux Algériens », tout en concédant que « ce n’est pas le moment d’y toucher ».
Dans la majorité présidentielle, certains députés plaident pourtant pour une rupture douce, fondée sur le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, plutôt qu’un affrontement frontal. Une position que d’autres jugent illusoire, rappelant que toute dénonciation unilatérale risquerait de raviver le contentieux historique entre Paris et Alger.
Au-delà des querelles juridiques, cette controverse illustre la paralysie française face à son passé colonial : un demi-siècle après l’indépendance, la France hésite toujours entre préserver la mémoire et restaurer la réciprocité.