Le dernier vote du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental a agi comme un révélateur. En confirmant une dynamique internationale de plus en plus favorable au plan d’autonomie marocain, la résolution a provoqué un malaise profond, et désormais visible, au sein même de la direction du Front Polisario. Derrière les communiqués offensifs et la rhétorique de fermeté, les divergences internes éclatent au grand jour.
Officiellement, le Polisario continue de rejeter catégoriquement la proposition marocaine, qualifiée une nouvelle fois de « plan expansionniste » ne pouvant « en aucun cas constituer le fondement d’une solution juste et durable ». Dans une lettre adressée aux Nations Unies, son représentant à l’ONU, Sidi Omar, accuse Rabat de « dénaturer » la résolution du Conseil de sécurité et de tenter de lier abusivement le texte onusien au plan d’autonomie. Il insiste sur le fait que la résolution ne reconnaît aucune souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et réaffirme la lecture classique du conflit comme une question de décolonisation.
Mais cette ligne dure, martelée à New York, est loin de faire l’unanimité dans les rangs du mouvement sahraoui. En coulisses, plusieurs cadres et anciens responsables du Polisario remettent ouvertement en cause la stratégie actuelle, jugée rigide, isolante et contre-productive. Pour eux, la multiplication des revers diplomatiques, notamment le ralliement de pays clés comme l’Espagne au plan marocain, est le résultat direct d’un alignement aveugle sur la position algérienne et d’un refus persistant de lire les évolutions du rapport de force international.
Ces voix critiques estiment que la direction actuelle du Polisario s’enferme dans une posture idéologique déconnectée des réalités géopolitiques. La référence constante aux résolutions historiques de l’ONU, à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice de 1975 et au droit à l’autodétermination ne suffit plus à enrayer l’érosion du soutien international. Pire, elle masquerait une incapacité à proposer une alternative crédible face à un plan d’autonomie marocain désormais présenté par de nombreux États comme « sérieux et réaliste ».
La contestation vise aussi, de plus en plus frontalement, le rôle de l’Algérie. Longtemps considérée comme le principal soutien politique, diplomatique et logistique du Polisario, Alger est accusée par certains dirigeants sahraouis de confisquer la décision et d’imposer une ligne qui sert davantage ses intérêts régionaux que ceux des populations des camps de Tindouf. Pour ces dissidents, la stratégie actuelle a conduit le Polisario dans une impasse diplomatique, accentuant son isolement et fragilisant sa légitimité.
Pendant que la direction officielle multiplie les mises en garde contre un « dangereux précédent » et appelle les États à condamner le plan marocain, le fossé se creuse entre le discours et la réalité internationale. Le Conseil de sécurité continue d’encourager une solution politique pragmatique, un langage perçu par Rabat comme un appui explicite à son initiative d’autonomie.
Le Front Polisario apparaît aujourd’hui plus divisé que jamais, pris entre une ligne dure héritée du passé et des appels internes à une révision stratégique profonde. À mesure que le soutien international au plan marocain s’élargit, la question n’est plus seulement celle du conflit avec Rabat, mais bien celle de l’avenir du Polisario lui-même et de sa capacité à parler d’une seule voix.