
Casablanca, Rabat, Marrakech, Meknès, Agadir… Le mot d’ordre se propage à la vitesse d’un clic : les 27 et 28 septembre, les jeunes sont invités à se rassembler vêtus de noir pour défendre deux droits fondamentaux : l’éducation et la santé. Derrière cet appel : Moroccan Youth Voice / GENZ212, un collectif numérique apparu comme un éclair dans un ciel politique saturé de promesses creuses.
En moins de 48 heures, leur serveur Discord a franchi la barre des 5 000 membres. On y trouve des salons régionaux, des cellules santé, éducation, solidarité. Débats à bâtons rompus, ton libre, ironie mordante : un espace d’expression introuvable dans les partis, associations ou amphis. Reddit relaie la flamme et lui donne un écho international.
Dedans, la jeunesse autopsie sans détour le clientélisme, le népotisme, le verrouillage des postes par « les fils de notables ». Elle parle chômage, précarité, pression sociale. « Mes parents vivent un stress énorme parce qu’ils doivent me garder sous leur toit jusqu’à la trentaine », confie un des membres à Maghreb-intelligence. « L’État ne fait aucun effort pour nous. Dans d’autres pays, un enfant peut avoir son autonomie financière dès 18 ans. Ici, c’est impossible. »
Dans ces échanges en continu, un fil rouge : ne pas répéter les échecs du Mouvement du 20 février, du Rif ou de Jerada. Pas question d’offrir une brèche à une quelconque récupération. Vigilance extrême aussi face aux ingérences étrangères.
Le collectif a tracé ses lignes rouges : aucune attaque contre la monarchie, les symboles religieux ou les individus. Zéro violence. Les mots bannis valent exclusion immédiate. Discipline de fer pour protéger le mouvement de toute manipulation.
Le secteur hospitalier cristallise la colère. Après les scandales d’Agadir avec des décès maternels, des scanners hors service, le ministre de tutelle, Amine Tahraoui a promis de « s’occuper sérieusement de la santé », une phrase qui fait grincer : et avant ? Les syndicats rappellent que l’alerte dure depuis des années : manque de moyens, sous-effectifs, absence de planification. Pour GENZ212, c’est le révélateur d’un système de gouvernance à bout de souffle.
Les partis politiques multiplient les «initiatives pour la jeunesse » à l’approche des élections. La génération connectée y voit surtout un marketing électoral. Discord et Reddit deviennent les vraies arènes. La Gen Z propose une alternative horizontale, où dignité et justice sociale remplacent slogans et promesses.
La montée en puissance du mouvement déclenche une contre-offensive : faux comptes, campagnes de diffamation, accusations de séparatisme ou d’extrémisme. Mais les jeunes ripostent, exposent les trolls et démontent les narratifs. Chaque tentative de « délégitimation » renforce leur détermination.
Mais, pour le moment, la mobilisation ne dépasse pas le monde virtuel et rien ne laisse présager que cela pourrait dépasser les plateformes de discussion. Selon plusieurs observateurs, nous sommes très loin d’un mouvement populaire et structuré. La GENZ212 marocaine ne serait que l’expression virale du ras le bol d’une certaine jeunesse qui se sent délaissé et loin des préoccupations de la classe politique du pays.