
La ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a déclenché une nouvelle tempête politique après son passage sur Sky News Arabia. En détaillant les priorités du projet de Loi de Finances 2026 avant même sa validation en Conseil des ministres, elle a franchi une ligne rouge institutionnelle. Ce n’est pas seulement une erreur de communication, mais un signe de désinvolture politique dans un contexte où chaque mot compte. À un moment où la tension sociale est palpable, cette sortie prématurée sonne comme une faute de discernement.
La réaction ne s’est pas fait attendre. Le député Abdellah Bouanou, figure du PJD, a fustigé une attitude “sans respect ni sens politique”, dénonçant le “détachement total de la ministre vis-à-vis de la culture politique marocaine”. Derrière l’excès de ton, la critique touche juste : Nadia Fettah a semblé ignorer le protocole et le timing politique qui régissent la communication gouvernementale. En parlant avant le Roi et avant le Parlement, elle a brouillé la hiérarchie de la parole d’État et affaibli la crédibilité de son propre poste.
Ce qui surprend le plus, c’est le choix du média. En préférant une chaîne étrangère pour évoquer les orientations économiques du pays, la ministre donne l’image d’un pouvoir qui parle au monde avant de parler à ses citoyens. “C’est une maladresse symbolique, presque un contre-sens institutionnel”, analyse un consultant en communication institutionnelle basé à Rabat. “Au Maroc, la communication économique est avant tout un acte politique. Il faut savoir attendre, peser les mots, et surtout parler d’abord aux Marocains.”
Cette affaire illustre une dérive plus large : un gouvernement qui n’a jamais su construire une ligne de communication cohérente. Les ministres s’expriment en ordre dispersé, chacun selon sa logique, sans vision d’ensemble ni coordination. Ce désordre alimente l’idée d’un exécutif technocratique, enfermé dans ses tableaux Excel, incapable d’anticiper les réactions du terrain. La parole publique, au lieu de rassurer, devient une source de crispation.
Nadia Fettah n’a pas violé le secret d’État, mais elle a violé une règle tacite : celle du tempo politique. À force de vouloir maîtriser l’image, elle a perdu la mesure du symbole. Dans un pays où la parole ministérielle engage bien plus que des chiffres, cette légèreté n’est pas anodine. Elle traduit la fragilité d’un gouvernement sans récit, où la communication n’explique plus – elle s’expose, et s’expose mal.