
Le modèle florissant de l’outsourcing marocain, qui emploie près de 120 000 personnes et pèse plus de 15 milliards de dirhams d’exportations de services, pourrait se retrouver sur la sellette. En cause : la nouvelle législation française sur la sous-traitance de la relation client, qui impose un encadrement plus strict des activités délocalisées. Pour un marché où près de 70 % du chiffre d’affaires dépend de donneurs d’ordres français, le signal est alarmant.
Dans ce climat d’incertitude, le géant marocain Intelcia, numéro trois de la relation client en France, traverse une zone de turbulence. Son actionnaire majoritaire, Altice, détenu par le milliardaire franco-israélien Patrick Drahi, né à Casablanca, cherche à se désengager du capital d’Intelcia, dont il possède 65 % depuis 2016, rapporte Le Monde.
Le 8 juillet, lors d’un comité de groupe au siège d’Altice France à Paris, Patrick Drahi est apparu en visioconférence depuis Casablanca, où siège la filiale marocaine, pour suivre la réunion. À l’issue de quatre heures de discussions, Karim Bernoussi, cofondateur et PDG d’Intelcia, a confirmé que des investisseurs marocains, des family offices et des cadres de haut niveau, se préparent à reprendre le contrôle.
Cette vente, qui pourrait paraître rassurante en « relocalisant » l’actionnariat au Maroc, survient pourtant au plus mauvais moment. La nouvelle loi française risque de renchérir les coûts, allonger les délais de conformité et pousser certains donneurs d’ordres à rapatrier leurs services en France ou en Europe de l’Est.
Pour l’ensemble du secteur marocain, la combinaison d’un durcissement réglementaire en France et d’un actionnariat en recomposition chez un leader aussi stratégique qu’Intelcia est explosive. Si Intelcia vacille, c’est tout l’écosystème des centres d’appels marocains qui pourrait perdre de la crédibilité auprès des clients européens.
Pour rester compétitif, le Maroc devra accélérer la montée en gamme vers le BPO de valeur ajoutée, renforcer la formation multilingue et négocier des accords bilatéraux clairs avec Paris. Sans quoi, le pays risque de voir s’éroder l’un de ses piliers d’exportation de services.