Analyse. En Egypte et en Tunisie, les pouvoirs islamistes contestés par la rue tentent d’instaurer des « démocratures »

La gueule de bois risque d’être sévère pour les islamistes arabes arrivés au pouvoir au lendemain de ce que la presse et les observateurs ont appelé « le printemps arabe ». [onlypaid]Obnubilés par un vote populaire assez franc en leur faveur, les islamistes égyptiens et tunisiens semblent sombrer dans une crise sociopolitique qui pourrait saper le fondement même de leur pouvoir. En Egypte, le président Mohamed Morsi, élu sur le fil du rasoir il y a cinq mois, pensait surfer sur une vague de popularité sans précédent, notamment après le limogeage du Maréchal Mohamed Tanataoui et le général Sami Anan. Mais les choses ont vite pris une tournure dramatique quand le président a choisi de se mettre clairement sous la coupe de la confrérie des Frères Musulmans dont il est issu. En promulguant des décrets constitutionnels immunisant ses décisions et celles de la constituante, dominée par les islamistes et les salafistes, en muselant la justice et en mettant au pas les médias publics, le nouveau « pharaon » égyptien s’est mis la rue égyptienne sur le dos. Le seul contre-pouvoir qui subsiste aujourd’hui n’est autre que la place Tahrir qui avait mis fin en janvier 2011 à la dictature de Hosni Moubarak. Le président Mohamed Morsi et son mentor, Mohamed Moubdie -Morshid des Frères Musulmans-, ont commis une erreur stratégique en appelant les militants des Frères musulmans à descendre devant le palais présidentiel -Al Ittihadia- pour défendre le président Morsi. Une situation qui a quasiment dégénéré en guerre civile entre pro et anti-frères Musulmans. Dans les rues du Caire, le chaos s’est rapidement installé et le vote sur le projet de constitution prévu pour le 15 décembre pourrait devenir le début d’une autre révolution, cette fois-ci contre la dictature islamiste en marche.
En Tunisie, même si le décor est différent, le pays semble vivre les mêmes soubresauts que l’Egypte. La troïka au pouvoir à Tunis est dominée par les islamistes d’Ennahda. Le président Moncef Marzouki tout autant que le premier ministre Hammadi Jebali sont débordés par les prises de position publiques de Rached Ghannouchi, qui pourtant n’occupe aucun poste officiel au sein de l’Etat. Les milices pro-islamistes qui affirment veiller sur les acquis de la révolution, occupent la rue et s’en prennent violemment à toute forme d’opposition. Ainsi, les artistes, les penseurs et les syndicalistes tunisiens sont l’objet d’harcèlements continuels de la part des milices islamistes, avec en face la démission des services de sécurité supervisés par un ministre de l’intérieur appartenant à Ennahda.
D’après plusieurs observateurs, le prometteur « printemps arabe » ne serait qu’à ses premières prémices. La première phase aura été la révolte spontanée des jeunes. La deuxième phase qui est vécue aujourd’hui est celle du hold-up électoral opéré par des islamistes bien organisés et au passé vierge. La troisième phase serait la prise de conscience par les peuples que la démocratie ne peut être instaurée que si les nouvelles constitutions prévoient l’équilibre entre les institutions et des pouvoirs soumis à la Loi. [/onlypaid]