
La Tunisie vient de franchir un seuil inquiétant. Le 1er octobre, le tribunal criminel de Nabeul a prononcé la peine de mort contre un internaute poursuivi pour des publications Facebook critiques à l’égard du président Kaïs Saïed. Une décision inédite dans le pays, où la peine capitale est en vigueur dans la loi mais n’a pas été appliquée depuis le début des années 1990.
La défense a aussitôt fait appel, ce qui suspend l’exécution du jugement. L’affaire, d’abord soumise au pôle antiterroriste avant d’être renvoyée à Nabeul, repose sur des accusations lourdes : « diffusion de fausses nouvelles visant un fonctionnaire public », « outrage au président de la République » et « atteinte volontaire à la forme de l’État ». L’accusé reste détenu en attendant la procédure d’appel.
Ce verdict a immédiatement déclenché un tollé parmi les associations tunisiennes de défense des droits de l’homme, qui parlent d’un « précédent extrêmement grave » pour la liberté d’expression. Amnesty International et la Ligue tunisienne des droits de l’homme rappellent que l’usage de la peine capitale pour des écrits sur les réseaux sociaux est une dérive inquiétante, à contre-courant des engagements internationaux de la Tunisie.
Si le pays applique depuis trente ans un moratoire de fait sur les exécutions, le simple fait qu’un citoyen ait été condamné à mort pour avoir critiqué le chef de l’État illustre la dérive autoritaire du climat politique tunisien. Pour une société civile déjà sous tension, cette affaire n’est pas seulement un épisode judiciaire, mais un signal d’alarme sur l’avenir des libertés publiques en Tunisie.