
L’affaire de l’attaque au couteau à Marseille, où un ressortissant tunisien a été abattu par les forces de l’ordre françaises, aurait pu rester un drame sécuritaire classique. Mais la réaction de Tunis a transformé l’incident en crise diplomatique. En dénonçant officiellement un « meurtre injustifié » et en convoquant l’ambassadeur de France, les autorités tunisiennes ont choisi la surenchère. Selon plusieurs observateurs, ce virage brutal ne s’explique pas seulement par l’émotion. Il s’inscrit dans une dynamique dictée par Alger, qui pousse son voisin tunisien à embrasser un bras de fer politique avec Paris.
Le ministère tunisien des Affaires étrangères a dénoncé avec véhémence l’intervention des forces françaises, qualifiant la mort de l’assaillant, Abdelkader Dhibi, de « meurtre injustifié ». Une rhétorique rare, à la limite de l’accusation directe contre la France. Or, dans les milieux diplomatiques maghrébins, cette posture est perçue comme un alignement sur la ligne d’Alger. Depuis des mois, le régime algérien multiplie les passes d’armes contre Paris, oscillant entre menaces verbales, gel de coopérations et coups de pression sur la diaspora. Tunis, sous pression économique et politique, aurait saisi l’occasion de se placer dans le sillage de son parrain régional.
Depuis 2021, le pouvoir tunisien de Kaïs Saïed s’est considérablement rapproché d’Alger, dépendant du soutien financier, énergétique et diplomatique de son voisin. Dans ce contexte, la réaction tunisienne à l’affaire de Marseille apparaît moins comme une initiative souveraine que comme une consigne implicite. Pour Alger, utiliser Tunis comme relais permet de multiplier les fronts contre Paris, sans exposer directement le régime algérien à un nouvel affrontement frontal. Une stratégie d’« escalade déléguée » qui affaiblit la France dans son propre narratif sécuritaire.
Pour la France, la situation est doublement embarrassante : d’un côté, elle doit défendre l’action de ses forces de l’ordre face à un assaillant armé ; de l’autre, elle se retrouve publiquement accusée par un pays allié, dans des termes qui dépassent la simple protestation diplomatique. Le malaise est d’autant plus fort que Paris mesure l’ombre d’Alger derrière cette offensive tunisienne. Dans les chancelleries européennes, on y voit le signe d’une coordination maghrébine anti-française, où Tunis joue le rôle d’avant-poste verbal au service d’une stratégie régionale dictée depuis El Mouradia.
Ce qui s’est joué à Marseille dépasse le fait divers dramatique. La réaction tunisienne révèle une logique d’alignement : Tunis s’aligne sur Alger pour accentuer la pression sur Paris, quitte à transformer une affaire sécuritaire en crise diplomatique. Une séquence qui confirme l’influence grandissante de l’Algérie sur les choix stratégiques de son voisin, et la difficulté croissante de la France à contenir une hostilité maghrébine désormais coordonnée.