
Le 29 juin 2025, la justice algérienne a condamné le journaliste français Christophe Gleizes à sept ans de prison ferme pour « apologie du terrorisme » et « propagande portant atteinte à l’intérêt national ». Collaborateur régulier de So Foot, Gleizes s’était rendu à Tizi Ouzou pour un reportage sur la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK) et les circonstances entourant la mort du joueur camerounais Albert Ebossé. L’affaire a rapidement pris un tournant politique.
Selon l’acte d’accusation, plusieurs documents retrouvés dans ses appareils électroniques, ainsi que des échanges remontant à plusieurs années avec un responsable local affilié au MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie), ont été interprétés comme des éléments incriminants. Le MAK est considéré comme une organisation terroriste par Alger depuis 2021.
Au-delà des aspects juridiques, cette condamnation intervient dans un contexte de durcissement notable des autorités algériennes envers les journalistes, qu’ils soient locaux ou étrangers. L’année écoulée a déjà vu l’interdiction de plusieurs œuvres littéraires, dont celles de l’écrivain Boualem Sansal, accusé de porter atteinte à l’unité nationale. L’espace d’expression publique s’est considérablement réduit, notamment sur des sujets sensibles comme la Kabylie, la mémoire historique ou la question amazighe.
L’affaire Gleizes prend également une résonance particulière dans le cadre des relations diplomatiques fragiles entre Paris et Alger. Le 30 juillet 2024, Emmanuel Macron annonçait la reconnaissance officielle par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Cette décision, longtemps évitée par la diplomatie française, a été perçue par Alger comme un désaveu de sa position historique sur ce dossier majeur. En réponse, les autorités algériennes ont rappelé temporairement leur ambassadeur et gelé plusieurs canaux de coopération.
Dans ce contexte, l’arrestation de Christophe Gleizes a été perçue par certains observateurs comme un signal envoyé à la France, mais aussi comme une démonstration d’autorité intérieure. Bien que le procès ait eu lieu à Tizi Ouzou, plusieurs éléments laissent penser que le dossier a été piloté depuis Alger, en lien avec les services de sécurité, sur fond de volonté de maîtriser l’image du pays à l’international.
À Paris, la réaction officielle reste mesurée. Le ministère des Affaires étrangères a exprimé sa « préoccupation », tout en rappelant suivre le dossier « de près ». Aucun déplacement de haut niveau n’a été annoncé, et la gestion de cette affaire semble pour l’instant reléguée aux canaux diplomatiques ordinaires.
L’appel interjeté par les avocats de Christophe Gleizes sera examiné dans les prochaines semaines. D’ici là, le journaliste reste incarcéré à la prison de Tizi Ouzou. Plus qu’un cas individuel, cette affaire soulève des questions récurrentes sur la liberté de la presse en Algérie, et sur les lignes de fracture de plus en plus visibles dans les relations franco-algériennes.