
Le président tunisien Kaïs Saïed s’enfonce dans un isolement diplomatique et politique qui inquiète autant ses partenaires étrangers que ses concitoyens. Ses prises de position erratiques, son tour de vis sécuritaire et ses envolées panarabiques d’un autre âge traduisent une dérive autoritaire qui laisse la Tunisie en porte-à-faux sur la scène internationale.
Depuis sa prise en main musclée du pouvoir en 2021, Kaïs Saïed a multiplié les décisions unilatérales : dissolution du Parlement, marginalisation des partis, répression des voix critiques. La justice et les forces de sécurité sont devenues des instruments dociles au service du régime. Les arrestations d’opposants, d’avocats et de journalistes rappellent les heures sombres que la révolution de 2011 avait voulu effacer.
Les droits des migrants dans le viseur des juridictions internationales
Au niveau international, la Tunisie est désormais exposée à de sérieuses menaces judiciaires. Des initiatives coordonnées par l’ancien ministre Kamel Jendoubi et l’avocat Brahim Belghith visent à saisir la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour africaine des droits de l’homme pour dénoncer les violations systématiques contre les migrants subsahariens. Refoulements dans le désert, violences, discriminations : autant d’accusations qui ternissent l’image d’un pays autrefois présenté comme un modèle démocratique post-printemps arabe.
La dérive autoritaire de Saïed n’a pas échappé aux États-Unis. Plusieurs parlementaires américains menacent Tunis de sanctions, allant jusqu’à conditionner l’aide sécuritaire et militaire au respect du pluralisme et de l’État de droit. Si une partie de la classe politique tunisienne dénonce une « ingérence », ces avertissements renforcent l’impression d’une Tunisie de plus en plus isolée de ses alliés historiques.
Un discours suranné face aux réalités du pays
À l’intérieur, le président persiste dans ses discours panarabiques aux relents nationalistes, déconnectés d’une jeunesse frappée par le chômage et l’exil forcé. Ses diatribes, souvent confuses, empruntent au registre du passé alors que la Tunisie s’enlise dans une crise économique et sociale sans précédent.
Dernier exemple en date : la réaction outrancière de Tunis après l’attaque au couteau commise à Marseille par un ressortissant tunisien connu pour ses antécédents judiciaires et psychiatriques. Alors que la France s’interroge sur la gestion de ce drame, le ministère des affaires étrangères tunisien a dénoncé un « meurtre injustifié », convoquant l’ambassadeur de France. Un positionnement qui a sidéré les chancelleries occidentales et accentué le sentiment d’une diplomatie tunisienne en roue libre.
Un président de plus en plus isolé
Entre la tentation répressive à l’intérieur et les faux pas diplomatiques à l’extérieur, Kaïs Saïed apparaît aujourd’hui coupé de ses partenaires et contesté dans son propre pays. Ses adversaires dénoncent un pouvoir autoritaire, sa base militante s’effrite, et la Tunisie, jadis laboratoire démocratique du monde arabe, se retrouve désormais citée pour ses dérives.
Le président tunisien voulait incarner la souveraineté retrouvée. Il ne récolte pour l’instant que la solitude et le discrédit.