Au lendemain de l’annonce des résultats du premier tour des élections présidentielles égyptiennes, la tension est montée d’un cran entre le Conseil suprême des forces armées dirigé par le duo Mohamed Tantoaui-Sami Anan et la confrérie des Frères Musulmans.[onlypaid]
A l’origine de cette tension, l’arrivée en tête du 1er tour du candidat du Parti de la Liberté et de la Justice, bras politique des Frères Musulmans. En effet, même s’il ne dépassait que d’une courte tête le général Ahmed Chafik, poulain officieux des militaires et du PND, l’ancien parti hégémonique, l’islamiste Mohamed Morsi a pu se classer premier avec 25 % des voix et enclencher donc une dynamique. Pour les militaires égyptiens, au pouvoir depuis 1952, il y avait péril en la demeure. Tous les sondages effectués avant le 1er tour ne donnaient même pas le candidat du Parti de la Liberté et de la Justice -PLJ- parmi les deux finalistes du 2ème tour. C’est alors qu’une réunion de crise a réuni dès le 28 mai les membres du Conseil suprême. Tous les scénarios sont envisagés pour freiner la montée en puissance des Frères Musulmans. Dans un premier temps et sous l’impulsion du clan des « Faucons », dont le chef des renseignements militaires, le général Abdel Fattah Al Sisi et du général Réda Hafez, commandant des forces aériennes, les militaires penchent vers un appui ferme et conséquent pour le général Ahmed Chafik. La machine se met alors en branle. Les anciens caciques du PND battent la campagne et les potentats locaux font tourner les moteurs à plein régime. La campagne du général Ahmed Chafik vole de succès en succès et ses chances de devenir le cinquième militaire à diriger l’Egypte augmentent sensiblement. Mais, c’était sans prendre en compte les mises en garde des Américains. Ceux-ci alertent le Conseil militaire égyptien des dangers que comporterait un tel scénario pour la paix en Egypte. L’arrivée d’un général qui plus est, le dernier premier ministre de Hosni Moubarak, même si cela se faisait d’une manière démocratique allait mettre le feu aux poudres. La CIA informe alors le général Mohamed El Assar, chargé des relations avec les Etats-Unis de l’existence de plusieurs groupuscules d’extrémistes prêts à plonger dans la clandestinité et à mener des actions terroristes si Ahmed Chafik est élu. C’est là où les tractations ont commencé entre les militaires et les Frères Musulmans. Les premières rencontres ont lieu entre l’homme d’affaires Khairat Al Chater et le duo Tantaoui-Anan. Au début, le blocage est total. Les militaires soufflent aux islamistes l’idée d’un retrait du docteur Mohamed Morsi en faveur de Hamdeen Sabah, candidat nassérien arrivé en troisième position au premier tour. Une proposition balayée aussitôt par la confrérie. A la veille du deuxième tour, les contacts sont rompus entre les militaires et les frères Musulmans. C’est alors que le Qatar et l’Arabie Saoudite entrent en ligne. Ils rassurent les militaires et promettent une aide conséquente si le processus allait jusqu’au bout. Les Américains ne sont pas loin. Tout comme ces deux pays du Golfe, les Etats-Unis craignent davantage que l’arrivée des islamistes à la présidence, une explosion de violence qui mettrait en péril toute la région. Au lendemain du deuxième tour, le PLJ annonce que le docteur Mohamed Morsi est élu. L’instance en charge des élections présidée par le juge Farouk Soltane tarde à annoncer les résultats définitifs. C’est le moment que choisissent les militaires et les Frères Musulmans pour se rasseoir autour de la table des négociations. En même temps, le Conseil suprême des forces armées prend les devants et prononce la déclaration constitutionnelle complémentaire qui réduit sensiblement les compétences du prochain président. Peu auparavant, la justice avait invalidé l’élection du parlement. Pour les militaires, la décision est claire : si Mohamed Morsi doit arriver à la présidence, son parti ne contrôlera pas en même temps le parlement. Ce tour de passe-passe est accepté par les frères Musulmans, mais l’incertitude règne encore au Caire et la confiance n’est pas totale. Le samedi 23 juin dans la soirée, les militaires et les islamistes mettent les dernières retouches à l’accord. En contrepartie de l’officialisation de la victoire de Mohamed Morsi, le parlement ne sera pas rétabli et la déclaration constitutionnelle complémentaire sera maintenue. En plus, les militaires garderont au sein du prochain gouvernement les postes de la Défense, de l’intérieur et nommeraient une personnalité indépendante aux Affaires étrangères. De l’autre côté, Mohamed Morsi s’est engagé à rompre ses liens d’allégeances avec Mohamed Badie, le Guide Suprême des Frères Musulmans et à donner une place prépondérante aux activités des militaires dans son agenda. [/onlypaid]