Analyse : Comment Benkirane s’est fait prendre dans le piège d’Al Adl Wal Ihssane et des salafistes

Le spleen commencerait-il déjà à toucher les cadres et les militants du PJD, trois mois après la constitution d’un gouvernement de coalition que leur parti dirige et domine à la fois ? En effet, au lendemain d’une marche en faveur de la Palestine, organisée à Casablanca par le PJD et l’Istiqlal, et où la ferveur populaire n’a pas été au rendez-vous, plusieurs cadres du parti commencent à se poser des questions sur l’avenir de la formation islamiste. [onlypaid]Alors que la thématique de la Palestine et d’Al-Qods avait toujours été porteuse, la mobilisation ce dimanche 1er avril dans les rues de la métropole marocaine peuplée de 6 millions d’habitants, n’était pas à la hauteur des espérances. D’après la presse marocaine, l’affluence n’a pas dépassé les 25 000 manifestants et cela malgré les renforts des partis de la majorité, des salafistes et de certains syndicats (UGTM, UNMT). Les observateurs n’ont pas manqué de faire la comparaison avec la marche du dimanche d’avant sous l’égide d’Al Adl Wal Ihssane, et qui a réussi à drainer à Rabat plus de 100 000 marcheurs en soutien à la Palestine. Une démonstration de force des adlistes qui vient narguer les troupes du chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, lequel multiplie les sorties médiatiques et les promesses de changement dans une conjoncture économique difficile. Depuis son entrée en fonction à la fin de l’année, le gouvernement de Benkirane cumule les difficultés. La première et non la moindre, c’est l’absence de la Loi des Finances. Il semble qu’il faille attendre encore un mois avant l’adoption définitive du budget qui limite, en raison de contraintes budgétaires objectives, la marge de manœuvre sociale du gouvernement. Certes, ce dernier a tenté une diversion tactique il y a un mois, en publiant la liste des bénéficiaires d’agréments de transport. Mais il a été incapable en revanche de continuer dans la même veine en rendant publique, comme il l’avait promis dans la foulée, la liste des bénéficiaires des carrières et des licences de pêche en haute mer. Cette promesse non tenue du gouvernement Benkirane, traduit aux yeux de l’opinion publique marocaine une hésitation nuit à l’image de l’exécutif. Cependant, la plus grande difficulté à laquelle fait face aujourd’hui Abdelilah Benkirane n’est pas celle liée à ses promesses électorales ou aux contingences budgétaires. Il s’agit plutôt de la guérilla que lui mènent Al Adl Wal Ihssane et les Salafistes. Les premiers tentent de démontrer qu’ils sont la première force islamiste du pays en multipliant les démonstrations de force et les provocations sur le terrain. Quant aux seconds, ils essaient de déborder le gouvernement sur le plan doctrinal en multipliant les fatwas et les appels du pied aux franges les plus conservatrices de la société. Face à cette pression, le gouvernement d’Abdelilah Benkirane a commis deux faux pas. Tout d’abord en voulant concurrencer, sans succès, Al Adl Wal Ihssan sur le front de la mobilisation populaire, ensuite en envoyant Mustapha Ramid, figure radicale et populaire du PJD et ministre de la Justice, draguer le courant salafiste. En se rendant chez Cheikh Mohamed Maghraoui à Marrakech, l’ancien porte-flingue du PJD, a ôté ses habits d’homme d’Etat et de ministre pour revêtir celles du disciple excité sombrant, du moins sur le plan de la sémantique, dans un « talibanisme » qui risque de se révéler contre-productif et totalement irresponsable.

D’ailleurs, le PJD a dernièrement retiré de la scène publique l’une de ses figures éclairées et raisonnables en la personne de Abdelali Hamieddine, pour le remplacer par le député d’Oujda Abdelaziz Aftati qui fait feu de tout bois en confondant discours politique et prédication effrénée. Et d’après les observateurs, ceci n’est qu’un avant goût de la « talibanisation » que pourrait prendre le discours du PJD à chaque fois que les difficultés s’amoncellent dans le ciel du gouvernement d’Abdelilah Benkirane. [/onlypaid]