Les véritables enjeux de la guerre diplomatique entre le Maroc et l’Algérie en Afrique

L’arrivée du roi du Maroc en grande pompe au Mali pour participer à la cérémonie d’investiture du président Ibrahim Boubakar Keita, ainsi que son discours faisant une large part à la démocratie et la liberté et dénonçant le radicalisme,[onlypaid] l’extrémisme et le séparatisme, a été assimilée à une déclaration de guerre à Alger. Le roi du Maroc qui semblait se mouvoir aisément en « terrain conquis », n’a pas hésité à décocher quelques critiques à son puissant voisin de l’Est qui considère le Mali et le Niger comme son arrière-cour. « C’est la stratégie intelligente d’une présence discrète et amicale jouée par le Maroc en Afrique qui semble l’emporter, notamment face à une Algérie qui erre comme un éléphant dans un magasin de porcelaine », explique une source diplomatique française à Dakar.
En effet, l’épisode malien n’est que l’une des facettes de la guerre diplomatique qui fait rage depuis des années entre Alger et Rabat en Afrique subsaharienne. « Le Maroc prend très au sérieux son rôle de grand frère africain. La dernière réunion sous l’impulsion du roi consacrée à l’immigration clandestine montre que les Marocains prennent garde à ne pas se mettre à dos leurs amis subsahariens », affirme un haut responsable du royaume. Il faut dire que contrairement à l’Algérie, le Maroc dispose d’un grand atout. Des entrepreneurs et des sociétés qui croient en le potentiel de l’Afrique et qui n’hésitent pas y investir dans tous les domaines. En la matière, le royaume revient de loin, se rappelle un ancien ministre algérien des Affaires étrangères. « Pendant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, l’Algérie auréolée de son passé révolutionnaire et disposant d’une formidable manne de pétrodollars, obtenait tout ce qu’elle voulait des Africains. Les capitales africaines nous aimaient bien et Alger le leur rendait bien », se rappelle notre interlocuteur. Mais aujourd’hui le constat est tout autre. A part quelques pays de l’Est du continent, l’Algérie apparaît de plus en plus en perte de vitesse. « Les Africains craignent l’Algérie, mais aiment le Maroc », se délecte un ministre marocain.
A Alger, un haut cadre des Affaires étrangères dresse le bilan des échecs de son pays. « On a vu se succéder des ministres des Affaires étrangères qui n’aimaient pas voyager en Afrique. La maladie du président depuis 2005 et l’instabilité à la tête du gouvernement ont achevé de nous reléguer au rôle de petit joueur », regrette-t-il. D’ailleurs, Alger l’a expérimenté lors de la crise malienne. A trop vouloir jouer à la puissance régionale incontournable, elle a fini par exaspérer tout le monde. L’âge d’or de la diplomatie algérienne, qui fut l’une des meilleures du tiers-monde, semble définitivement révolu. « Depuis le début de ce millénaire, l’Algérie donne l’impression d’avoir des soucis de riches et se détourne de ses anciens amis », peste un responsable sénégalais. Une situation qui donne un avantage certain au royaume du Maroc, mais en nommant l’africanophile et très compétent Ratmane Lamamra aux Affaires étrangères, Alger veut récupérer le terrain perdu. Faut-il encore qu’il dispose de temps et de moyens.[/onlypaid]