Maroc : comment le PJD a transigé sur l’audiovisuel

« C’est une défaite cinglante que vient de subir le gouvernement d’Abdelilah Benkirane », se délecte un ancien ministre de l’USFP. En l’espace de 15 jours et face à la ténacité des directeurs du pôle public, le PJD a en effet été poussé à la faute. [onlypaid] En effet, alors que la bataille autour de l’application des nouveaux cahiers des charges élaborés par l’inexpérimenté ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi, paraissait tourner à l’avantage du gouvernement islamiste, le chef du gouvernement choisit, lors d’une journée d’étude organisée par son parti, de s’en prendre violement à l’entourage royal et de menacer de descendre dans la rue afin de « défendre la constitution ». Une outrance dans les propos qui a, semble-t-il, fortement agacé le palais royal, qui avait préféré jusque-là ne pas s’immiscer dans un débat entre les professionnels du secteur et le ministre de tutelle. « Le faux pas de Benkirane, qui a retrouvé sa rhétorique excessive d’opposant lui a été fatal », explique la source socialiste. Dimanche dernier, cette crise connait un tournant. Mohammed VI accorde dans son palais de Rabat une audience à Mustapha El Khalfi, en présence d’Abdelilah Benkirane et du ministre d’Etat Abdallah Baha, éminence grise du chef du gouvernement. Le souverain a voulu s’enquérir par lui-même des détails du projet de réforme des télévisions de la bouche même du premier concerné. Le roi aurait signifié aux dirigeants islamistes qu’il était pour la réforme, mais que cela devait se dérouler sans porter atteinte à la pluralité linguistique et identitaire du royaume. « Une démarche sereine se démarquant nettement de la nervosité affichée-sans raisons- par certains membres du gouvernement », commente un ministre de l’équipe de Benkirane.

D’ailleurs, lors d’une rencontre avec le secrétariat général du PJD, le chef du gouvernement est revenu à de meilleurs sentiments en faisant profil bas. Après avoir assuré dans une mise au point adressée à l’agence de presse Reuters que ses propos sur l’entourage royal aient été sortis de leur contexte, il a également pris le contre-pied de ce qu’a déclaré Abdelali Hamieddine, membre influent du parti, qui a affirmé que Abdelilah Benkirane avait « pressenti derrière les sorties médiatiques des responsables du pôle public, le feu vert de cercles influents ». Par ailleurs, le chef du gouvernement aurait confirmé devant le secrétariat général du PJD que les cahiers des charges allaient être revus, notamment en ce qui concerne leur volet linguistique. Le JT principal de 2M présenté en français ne devrait pas pas changer d’horaire -principale revendication de la direction de la chaîne. D’autre part, le quotidien « Attajdid », porte-voix du PJD qui s’était montré très agressif ces dernière semaine sà l’encontre d’une « élite francophone », n’assure plus depuis ce mercredi que le service minimum sur cette question. Sa Une a été consacrée à la publication des listes de bénéficiaires des carrières de sable. « Une diversion qui ne fait pas illusion et qui ressemble à une capitulation en rase campagne », ironise un patron de presse néanmoins proche du PJD.
Enfin, le communiqué publié à l’issue du Conseil d’administration de la SOREAD 2M, tenu mardi dernier, veut tout dire sur le résultat de la confrontation qui a opposée, pendant deux semaines, le gouvernement islamiste d’Abdelilah Benkirane à ceux qui refusent l’application des cahiers des charges élaborés par le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi. A la fois la langue dont laquelle a été rédigée le communiqué -le français- et la tonalité de celui-ci a démontré que le pugilat a tourné en faveur de la direction de 2M, Salim Cheikh et Samira Sitaïl. En effet, le communiqué du conseil d’administration a tenu à informer l’opinion publique marocaine qu’il a été « pris note des dispositions prises par SOREAD 2M pour la mise en œuvre des cahiers des charges ». Une formule lapidaire qui sonne comme un désaveu pour El Khalfi.[/onlypaid]