Tunisie : les islamistes d’Ennahda plient, mais ne rompent pas encore

Dans le siège d’Ennahda, les visages étaient tous crispés ce mardi après-midi. Un des alliés les plus fidèles vient de les lâcher sans les prévenir. Mustapha Ben Jaâfar, président de l’Assemblée Nationale Constituante a pris les choses [onlypaid] en main en décidant de sursoir les travaux de la constituante et d’appeler à un dialogue national. La légitimité électorale vient de prendre sacrément chahuté. Les dirigeants d’Ennahda ne s’attendaient pas à un tel coup de poignard dans le dos. Ils étaient principalement réunis pour examiner la manière de répondre à la prévisible mobilisation des manifestants qui veulent la démission du gouvernement et la dissolution de la constituante. Un retour à la légitimité révolutionnaire en quelque sorte. Le soir même, alors qu’ils n’avaient pas encore digérés la décision de Ben Jaâfar, les dirigeants d’Ennahda voyaient le centre de Tunis se transformer en une place « Tahrir » bis. Les jeunes de Tamarod ainsi que l’UGTT avaient réussi à se mobiliser. Deux ans et demi après avoir chassé Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie est toujours à la même place, incapable de se doter d’une nouvelle constitution et d’institutions démocratiques et crédibles. Si Ennahda continue d’être le parti le mieux organisé et le plus puissant, l’opposition semble avoir trouvée un second souffle, profitant de la maladresse de la troïka qui dirige le pays et surtout des vieillîtes hégémoniques d’Ennahda. Contrairement à l’Egypte, l’armée tunisienne est plus préoccupée par la lutte contre le terrorisme aux frontières algériennes que par les joutes politiques qui tournent de plus en plus à la foire d’empoigne entre les différents acteurs. Aujourd’hui et sous les coups de boutoir de l’opposition, des jeunes et de l’UGTT, Ennahda a décidé de reculer et d’accepter le départ de l’actuel gouvernement et son remplacement par un gouvernement de salut national. Une manière, d’après les observateurs, de calmer l’opposition et de gagner du temps en attendant la rentrée scolaire en septembre. Selon des sources diplomatiques européennes en poste à Tunis, la situation est chaotique et la démocratie semble s’éloigner de jour en jour. Un fiasco pour les élites du pays initiateur du printemps arabe.[/onlypaid]