
Depuis quelques semaines, le ministre de la Santé Amine Tehraoui multiplie les déplacements dans les régions, visitant chantiers hospitaliers et centres de santé, relayés par la presse alliée. Un ballet médiatique où le ministre s’improvise surveillant général, vérifiant de visu l’état des infrastructures et la mobilisation des équipes.
Un rôle pourtant éloigné de sa mission première : piloter une réforme nationale d’ampleur, assurer la mise en place d’un système de gouvernance hospitalière moderne et garantir l’égalité d’accès aux soins. Qu’un ministre soit obligé de faire “l’appel des absents” traduit surtout une faiblesse structurelle : l’absence de mécanismes internes de contrôle, de reddition de comptes et de relais régionaux fiables.
À cela s’ajoute une communication politique particulièrement fragile. Au parlement, Amine Tehraoui peine à convaincre : ses interventions sont jugées ternes, techniques, sans véritable vision politique. À chaque séquence sensible, c’est le chef du gouvernement Aziz Akhannouch lui-même qui prend le relais, comme pour combler les failles de son ministre et maîtriser l’agenda médiatique.
Historiquement, le ministère de la Santé n’est pas un simple département technique. Comme l’Intérieur ou les Affaires étrangères, il a souvent été considéré comme un ministère de souveraineté, placé sous la vigilance directe du Palais. C’est donc censé être la traduction d’une vision stratégique de l’État, un levier central pour la réforme sociale, et non pas une caisse de résonance de communication électorale.
Dans ce contexte, la multiplication des tournées régionales prend une autre signification : Tahraoui veut apparaître comme un ministre actif, visible, capable de rassurer l’opinion publique. Plus encore, il cherche à montrer qu’il peut être un atout dans la stratégie de communication d’Akhannouch à l’approche de la campagne électorale, quitte à brouiller la frontière entre action ministérielle et marketing politique.
La question demeure : peut-on sérieusement réformer un secteur aussi complexe que la santé avec des visites régionales mises en avant par la presse ? La gouvernance hospitalière se bâtit sur des règles claires, une gestion rigoureuse et des ressources humaines motivées, pas sur une communication électoraliste improvisée.
Dans ce jeu d’images, la population risque de confondre le bruit médiatique avec une véritable réforme structurelle. Mais au fond, le Maroc n’a pas besoin d’un ministre-surveillant, il a besoin d’un ministre-réformateur.