Le pari des islamistes marocains de constituer rapidement un gouvernement semble aujourd’hui plus ardu que prévu. Dimanche, l’USFP décide de passer dans l’opposition après 14 années dans le gouvernement. Une décision historique adoptée par le conseil national du parti et qui prive le chef du nouveau gouvernement, Abdelilah Benkirane, d’un précieux allié rompu aux affaires de l’Etat et disposant d’une certaine crédibilité au sein de la société marocaine. [onlypaid] Aujourd’hui, le patron du PJD voit sa marge de manœuvre se réduire, notamment face à un Istiqlal boulimique et très expérimenté. Afin de diminuer l’influence du parti nationaliste du premier ministre sortant, le PJD doit absolument faire rentrer le PPS et le Mouvement populaire. Si le premier ne va pas se montrer gourmand, le deuxième risque de compliquer un peu les choses. Des sources bien informées à Rabat affirment que les amis de Mohand Laenser lorgnent les ministères des Affaires étrangères et de l’Agriculture en plus de celui de la Jeunesse et des Sports. Des ministères que l’Istiqlal aimerait voir tomber dans son escarcelle. Un autre souci pour Abdelilah Benkirane consiste dans la nature des partis qui vont s’allier avec lui. En effet, aussi bien l’Istiqlal, le MP que le PPS sont loin d’être des va-t-en guerres acharnées. Les trois partis sont adeptes de la méthode douce et pourraient freiner les ardeurs réformatrices du PJD. D’ailleurs, comme ils l’ont annoncé au lendemain de leur victoire électorale, les islamistes se donnent une centaine de jours pour prendre des mesures concrètes, notamment dans la lutte contre la corruption. L’objectif est de faire sentir aux Marocains l’ampleur des changements introduits. Cela dit, le PJD n’est pas le seul qui est aujourd’hui dans l’embarras. L’USFP, même s’il a officiellement choisi de se ranger dans l’opposition, aura beaucoup de mal à faire face à une centaine de députés islamistes dont la verve est bien reconnue. En outre, plusieurs cadres socialistes rechignent à croiser le fer avec le PJD en se plaçant dans la même tranchée que les partis de tendance libérale centriste du RNI et du PAM. Ils considèrent que les Marocains ont puni ces deux derniers partis en raison de la campagne qu’ils ont menée contre les islamistes. «Il faut comprendre la signification du score large du PJD. Les Marocains ont donné un mandat clair au PJD. Il n’est ni élégant ni politiquement fructueux de les attaquer systématiquement dès le départ et sur tous les dossiers », affirme un membre du bureau politique de l’USFP. Un autre cadre du parti de la rose va plus loin en précisant que « s’il y a une menace contre les acquis démocratiques et une opposition à la volonté de combattre la prévarication, alors nous serons aux côtés du PJD ». Ceux qui voyaient déjà dans le passage de l’USFP à l’opposition une clarification idéologique et politique n’ont qu’à remiser leurs analyses au placard en attendant d’autres échéances électorales. [/onlypaid]