À la veille du coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des nations 2025, une évidence s’impose : le Maroc ne joue plus seulement au football. Il joue une partition géopolitique, économique et symbolique, soigneusement écrite depuis plus d’une décennie. La CAN n’est pas un événement sportif parmi d’autres, mais le point culminant d’une stratégie d’influence assumée, pensée comme un tremplin vers le Mondial 2030.
Infrastructures ultramodernes, stades rénovés, centres de formation, réseaux de transport, dispositifs sécuritaires inédits : le royaume a mis le paquet. Près de 21 milliards de dirhams ont été investis pour la seule CAN 2025. À plus long terme, les projets liés à la CAN et à la Coupe du monde représentent 120 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB annuel moyen du Maroc sur cinq ans.
Résultat : le pays est aujourd’hui capable d’accueillir simultanément compétitions, équipes, diffuseurs et supporters du monde entier. La présence de figures internationales du football et de la télévision, comme le réalisateur belge Jean-Charles Vankerkoven, en est un symbole discret mais révélateur : le Maroc est devenu une plateforme incontournable du football mondial.
Depuis son retour à l’Union africaine en 2017, Rabat utilise le ballon rond comme un outil diplomatique redoutablement efficace. La Fédération royale marocaine de football, dirigée par Fouzi Lekjaa, a signé 47 accords de coopération avec des fédérations africaines. Le Maroc a accueilli sur son sol les matchs de sélections privées d’infrastructures conformes, renforçant son image de partenaire fiable et solidaire.
Dans les instances, la montée en puissance est tout aussi nette : vice-présidence de la CAF, bureau régional de la FIFA près de Rabat, siège de la CAF à Marrakech, événements internationaux accueillis à l’Université Mohammed VI Polytechnique. Le message est clair : le centre de gravité du football africain se déplace vers l’ouest.
Cette stratégie serait vaine sans résultats sur le terrain. Or, le palmarès parle pour lui-même : demi-finale historique au Mondial 2022, trois titres en quatre éditions du CHAN, sacres continentaux en clubs, succès chez les jeunes et victoire récente en Coupe arabe. Le Maroc arrive à la CAN 2025 en favori assumé, porté par une génération qui a changé le regard de l’Afrique – et du monde – sur le football marocain.
Dans les rues de Rabat, Casablanca ou Marrakech, l’effervescence est totale. Drapeaux, maillots, klaxons, écrans neufs achetés pour l’occasion : le pays entier vit au rythme des Lions de l’Atlas. Ici, la CAN n’est pas une compétition, c’est un moment d’histoire.
Mais cette ascension fulgurante n’est pas exempte de critiques. Une partie de la jeunesse marocaine questionne les priorités budgétaires, dénonçant des investissements jugés excessifs face aux besoins en santé, éducation ou emploi. Le pouvoir le sait : pour que le pari soit pleinement gagné, la CAN devra profiter aussi aux Marocains, et pas seulement à l’image internationale du royaume.
La sécurité, l’organisation et l’adhésion populaire seront donc déterminantes. L’inauguration du Centre de coopération policière africaine à Salé, avec l’appui d’Interpol, illustre cette volonté de contrôle total et de maîtrise du récit.
Du 21 décembre au 18 janvier, les yeux de la planète football seront braqués sur le Maroc. La CAN 2025 est bien plus qu’un tournoi : c’est une répétition générale pour le Mondial 2030, que le royaume co-organisera avec l’Espagne et le Portugal.
Si la fête est réussie et si les Lions soulèvent le trophée à Rabat, le message sera limpide : le Maroc ne se contente plus d’accueillir les grands événements. Il entend les dominer, sur le terrain comme en dehors.