Exclusif. Comment l’Algérie a perdu un projet de 500 millions d’euros à cause de ses interminables guerres de clans 

Voilà une nouvelle preuve, s’il en fallait, du gâchis conséquence de l’improbable guerre des clans en Algérie, ce syndrome qui mine profondément le système politique du pays. En 2016, le groupe français Roullier, leader mondial dans le secteur de la nutrition animale, négocie à l’époque avec l’ancien ministre de l’Industrie, Abdesslam Bouchouareb, la réalisation en Algérie d’un projet important à hauteur de 500 millions d’euros.

Le groupe Roullier envisageait ainsi d’exploiter du phosphate algérien pour le transformer en matière première nécessaire à la fabrication des nutriments essentiels comme le phosphore et le calcium, aliments indispensables à la bonne santé des animaux et à la productivité des élevages. Ce groupe français s’est fait connaître à travers le monde grâce à la ration alimentaire des animaux d’élevage (crevettes, volailles, porcs ou ruminants)  enrichi par un apport en phosphore minéral qui permet d’améliorer la prise de poids des animaux, la production de lait, la minéralisation des os, la reproduction.

Les négociations auront duré plusieurs mois entre le groupe Roullier et l’Etat, deux partenaires qui se connaissent bien, Roullier étant l’un des gros exportateurs vers l’Algérie. Mais plutôt que d’importer en grande quantité des nutriments « Made in France », Bouchouareb, l’un des caciques du régime algérien depuis 2014, choisit de convaincre le groupe français de réaliser un investissement conséquent qui lui permettra d’accéder aux riches mines de phosphate de l’est algérien.

Bouchouareb réussit l’exploit de séduire le groupe français qui ne disposait, jusque-là, que d’un simple bureau près d’Alger. Un premier accord a été trouvé entre les deux parties vers l’été 2016. Mais sa concrétisation a été sérieusement ralentie en raison de la sempiternelle guerre des clans opposant Abdesslam Bouchouareb au Premier ministre de l’époque, Abdelmalek Sellal, les deux hommes se livrant une véritable guerre froide, chacun voulant obtenir la tête de l’autre. Sellal tentait de torpiller les projets phares de son ministre de l’Industrie dont il craignait les ambitions grandissantes, tandis que Bouchouareb se rebellait sans cesse contre son supérieur hiérarchique dont il contestait ouvertement les compétences.
Fin mai 2017, coup de tonnerre à Alger. Personne ne gagnera cette guerre froide. Sellal et Bouchouareb sont « virés » par Abdelaziz Bouteflika. Et lors de son arrivée à la tête du gouvernement, Abdelmadjid Tebboune prend un malin plaisir à nettoyer tous les projets conclus par ces deux hommes. Le temps passe et le groupe français Roullier s’impatiente. Finalement, il reçoit une fin de non-recevoir et le projet tombe à l’eau. Un investissement de 500 millions d’euros est parti en fumée en raison de ce nettoyage imposé à l’héritage Bouchouareb dans le secteur de l’Industrie. Des milliers d’emplois directs et indirects ne verront jamais le jour.

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