Depuis le début de cette semaine, l’Algérie assiste à des soubresauts politiques impressionnants qui remettent en cause tous les rapports de force au sein du sérail algérien. Après deux immenses marches dans toutes les villes du pays contre le 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika, les organisations de masse et de nombreux partis politiques sont noyées dans les divisions à la suite de plusieurs démissions proclamés par des acteurs et des personnalités qui ont décidé de rejoindre la « rue » dans l’espoir de renforcer la contestation contre le clan présidentiel des Bouteflika.
Et derrière ces divisions brutales et surprenantes, un seul nom apparaît : celui du général Toufik ! En effet, les réseaux de l’ex-puissant patron du DRS, l’homme qui a régné sur les services secrets pendant pas moins de 30 longues années, ont été réactivées depuis fin février pour porter un coup de grâce aux membres du clan présidentiel. Ainsi, tout a commencé par cette fuite surprenante d’un enregistrement audio entre Sellah, l’ex-directeur de campagne du 5e mandat, l’un des proches et fidèles soldats d’Abdelaziz Bouteflika, avec Ali Haddad, l’un des principaux financiers de la campagne électorale des Bouteflika. Nos sources sont unanimes à affirmer que l’homme qui a fait fuiter cet enregistrement est un homme d’affaires, un ancien proche du général Toufik, qui a manipulé Ali Haddad pour se retrouver avec lui dans le bureau de Sellal. Aujourd’hui en fuite à Londres, cet « agent double » du général Toufik a réussi son coup : mettre de l’huile sur le feu en révélant cet enregistrement à la veille des marches du vendredi 1 mars.
Le deuxième acte de la stratégie du clan du général Toufik fut, par la suite, d’utiliser la colère populaire pour semer la zizanie au sein de plusieurs organisations et institutions. Ainsi, au sein du FCE, le patron algérien présidé par Ali Haddad, une dissidence a été rapidement organisée et plusieurs hommes d’affaires, tous des anciens entrepreneurs proches des décideurs militaires des années 90, ont annoncé leur soutien aux manifestations contre le 5e mandat. Ali Haddad, désavoué, est plus que jamais isolé et les Bouteflika sont en train de perdre la main sur le FCE, l’un des plus puissants patronats dans toute l’Afrique.
L’acte 3 du clan du général Toufik est de lancer une grande offensive dans toutes les organisations de masse comme l’UGTA, la centrale syndicale longtemps acquise au régime de Bouteflika. En 48 heures, plusieurs sections locales comme celle de la zone industrielle de Rouiba, la principale zone industrielle du pays, ont fait dissidence et annoncent leur soutien ou leur participation aux manifestations dans les rues contre le 5e mandat. Après l’UGTA, les syndicats autonomes du secteur de l’éducation et de la santé adhèrent à cette démarche et annoncent leur participation aux manifestations de rue. Les réseaux du général Toufik s’emparent, par la suite, de l’organisation nationale des Moudjahidine, plusieurs associations des enfants des Chouhadas et des anciens agents des services de renseignement, le fameux MALG. Toutes ces organisations ont affirmé qu’elles soutiennent la rue contre… Bouteflika.
De nombreux avocats, réputés pour leur proximité historique avec le général Toufik, ont exercé un très fort lobyying pour organiser des marches à travers tout le pays. Petit à petit, les réseaux du général Toufik réussissent l’improbable : créer un climat de désobéissance nationale ! Des parlementaires démissionnent, des partis comme le FLN ou le RND connaissent de vives tensions, etc. Et dans les rues, au sein des marches, les cellules dormantes de l’ex-DRS s’activent brillamment. D’un coup, des actions de protestation harmonieusement synchronisées voient leur jour à la surprise générale et prennent de court les hauts responsables du clan présidentiel.
