La visite du président Kaïs Saïed en Egypte a très peu plu aux dirigeants du parti Ennahda. Et c’est peu dire. Reçu en grandes pompes par l’ennemi numéro 1 des islamistes dans le monde, le maréchal Abdelfattah Al-Sissi, le chef de l’Etat tunisien a poussé «l’indélicatesse» plus loin en se rendant, en marge de cette visite, à l’institution Al-Azhar où il a été reçu par le grand Imam Cheikh Ahmed Mohammad Al-Tayeb. Porte-drapeau de l’islam éclairé dans la région, la grande université Al Azhar a vu défilé beaucoup de savants tunisiens venus parfaire leur formation théologique. D’ailleurs, à cette occasion, Kaïs Saïed a brûlé la politesse aux islamistes d’Ennahda en rendant hommage au seul théologien tunisien, cheikh Mohamed Al Khedher Hussein, à avoir dirigé la prestigieuse institution égyptienne entre 1952 et 1954.
A peine cette pilule amère avalée par les amis de Rached Ghannouchi, voilà que Kaïs Saïed s’acharne contre Ennahad et remue le couteau dans la plaie. Dans la soirée du lundi 12 avril, le remuant chef de l’Etat se rend à la Mosquée Zitouna et y adresse ses vœux aux Tunisiens à l’occasion du mois du ramadan. Dans son discours il a fait allusion à Ennahda en appelant ses compatriotes à éviter tout amalgame entre «musulmans» et «islamistes», enfonçant le clou en insistant sur le fait que les adeptes de l’islamisme veulent semer «la discorde dans le pays».
Ces sorties de Kaïs Saïed ne sont pas passées inaperçues à Montplaisir, siège d’Ennahada. Elles ont été perçues comme une agression frontale de la part du président de la république. D’ailleurs, le parti islamiste n’a pas tardé à dégainer. Le site électronique Meem Magazine appartenant à Soumaya, fille de Rached Ghannouchi, a évoqué une «grande colère populaire » occasionné par cette la visite du chef de l’Etat à Zitouna. Une colère populaire «qu’aucun média tunisien, à l’exception de Meem» n’a remarqué, relève le site Businessnews.
Le mari de Soumaya Ghannouchi, Rafik Abdessalem, un des dirigeants d’Ennhada les plus en vue, n’y est pas allé de main morte en chargeant Kaïs Saïed. Il l’a accusé de vouloir s’accaparer du champ religieux, ajoutant que « tous les chefs d’Etat islamiques ont félicité leurs peuples et ont diffusé des messages de joie, d’optimisme et d’appel à l’amour, à l’exception de notre président qui insiste à propager une atmosphère de haine et de rancune », se plaint le gendre de Rached Ghannouchi.
Selon plusieurs observateurs, la bataille entre Kaïs Saïed ne concerne plus désormais les institutions, mais tourne à un pugilat pour un fonds de commerce : l’islam politique.