Les médias français tombent encore une fois dans les travers des raccourcis journalistiques, des préjugés identitaires et des prêts-à-penser idéologiques. Cette fois-ci, c’est la chaîne privée Canal+ a été prise en flagrant délit lors de la diffusion de son magazine-reportage hebdomadaire « L’Effet Papillon » présenté par Daphné Roulier. [onlypaid]
Le troisième reportage du magazine de ce dimanche 2 octobre a été consacré aux noirs vivant en Libye. Les journalistes de la chaîne qui se sont déplacés en Libye ont voulu réaliser un grand scoop en révélant la face raciste et xénophobe des combattants du Conseil national de transition. Alors que tout au long du reportage, le journaliste français parlait de noirs subsahariens qui ont été violés, torturés et exécutés en pleine rue, à aucun moment les personnes qui témoignaient n’ont prononcé le mot « noir ». Interviewés par l’équipe de Canal +, les responsables de la rébellion libyenne et les gens dans la rue parlent en arabe de « mercenaires » que le journaliste français n’hésite pas à traduire en « noirs ». Le comble du tour de passe-passe de Canal +, c’est quand le responsable du CNT à Tripoli, le fameux Abdelkrim Belhaj, déclare à la chaîne que l’ordre a été formellement donné aux troupes sur le terrain de ne punir personne sans revenir au haut commandement. Cette déclaration n’a pas été traduite et c’est tout juste si la caméra se penche sur le cas d’un réfugié béninois qui n’a dû son salut, selon le commentateur de la chaîne, que parce qu’il a proclamé qu’il observait le ramadan. En revanche, les reporters de la chaîne zooment particulièrement sur la souffrance des « chrétiens » africains qui jouent au cache-cache avec les troupes du CNT pour se rendre à l’église le dimanche. Même si dans le reportage, les « mercenaires noirs » originaires du Tchad, du Mali et du Niger et qui sont à 99 % des musulmans déclarent s’être rendus en Libye après le début de la guerre civile et même s’ils déclarent également être traités, une fois capturés, comme les Libyens pro-Kadhafi, les reporters de Canal + n’ont voulu voir dans tout cela qu’une chasse à l’homme organisée par les combattants musulmans du CNT contre de pauvres gueux noirs et chrétiens. Cette fois-ci, l’exercice du reportage préfabriqué et plein de préjugés a atteint ses limites et nuit gravement à la crédibilité de la Canal +.[/onlypaid]