
L’Espagne a franchi fin juillet 2025 une étape majeure en approuvant un avant-projet de loi destiné à remplacer la loi franquiste de 1968 sur les secrets d’État. Ce texte prévoit la déclassification automatique de tous les documents confidentiels vieux de plus de 45 ans, sauf si leur diffusion présente une menace démontrée pour la sécurité nationale. Il vise ainsi à mettre le pays en conformité avec les standards européens de transparence.
La réforme instaurerait un système de classification graduée : les documents « hautement classifiés » resteraient secrets jusqu’à 60 ans, les « classifiés » jusqu’à 45 ans, les « confidentiels » jusqu’à 9 ans, et les « restreints » jusqu’à 5 ans. Elle interdit également le classement en secret des documents liés à des violations des droits humains ou à des crimes contre l’humanité.
Particulièrement pertinent pour le Maroc, le texte englobe potentiellement des documents antérieurs à 1980, incluant ceux sur le retrait de l’Espagne du Sahara en 1975, la Marche verte, ainsi que les accords tripartites de Madrid impliquant Rabat, Madrid et Nouakchott. À Rabat, cette perspective suscite un intérêt croissant, dans l’espoir que ces archives permettent de légitimer historiquement la marocanité du Sahara.
Du côté marocain, plusieurs chercheurs et spécialistes de l’histoire contemporaine estiment que cette réforme pourrait ouvrir une brèche significative dans la gestion des archives coloniales en Europe. Si certains documents permettent de démontrer que l’Espagne s’est retirée volontairement du Sahara en concertation avec le Maroc, cela constituerait un élément supplémentaire pour conforter le processus historique de récupération du territoire par le Royaume.
De nombreux historiens espagnols, comme le professeur Nicolás Sesma, alertent de leur côté sur les risques liés à ce projet : absence d’inventaire public clair, destruction ou disparition de certains dossiers dans les années 1980, notamment ceux relatifs à la dictature et à l’ère de transition. Sans indexation rigoureuse du contenu des archives, l’accès au patrimoine documentaire restera limité, malgré la réforme.
Du côté scientifique, plusieurs chercheurs appellent à une numérisation immédiate et à la création d’un inventaire accessible, afin d’inscrire cette réforme dans une dynamique de transparence réelle et non symbolique.
Dans un contexte diplomatique tendu autour du Sahara occidental, cette réforme espagnole prend une importance stratégique : chaque révélation issue d’archives officielles espagnoles sur le Sahara contribuerait à renforcer la narration nationale marocaine face aux critiques du Front Polisario et à ses soutiens internationaux.