Alger se préparait à accueillir le premier ministre français Jean Castex en grande pompe. Une revue de presse des articles publiés depuis une semaine par la presse algérienne officielle et officieuse renseigne amplement sur l’enjeu de cette visite pour les autorités algériennes. Cela devait être l’occasion pour un Abdelmedjid Tebboune convalescent de s’afficher avec un dirigeant européen de premier plan. Sur la table, les deux parties devaient évoquer des sujets de grande importance pour les deux pays comme la lutte contre le terrorisme ou encore les accords commerciaux et de recherche. Pour la première fois depuis bien longtemps, les relations entre la France et l’Algérie semblent filer le parfait amour.
Mais patatras. Ce jeudi 8 avril, un communiqué des Affaires étrangères algériennes vient jeter une douche froide sur l’ambiance amicale entre les deux pays. Alger décide unilatéralement le report de la visite de Jean Castex compte tenu d’un contexte sanitaire « inchangé depuis des mois », remarque ironiquement un diplomate français. Cette formulation diplomatique est étayée officieusement par des sources algériennes « dignes de foi » qui évoquent « une visite très courte et une délégation pas assez importante », malgré la présence aux côtés de Jean Castex de grosses pontes du gouvernement français comme Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, Gérald Darmanin ministre de l’Intérieur, Jean-Michel Blanquer en charge de l’Éducation et Bruno Le Maire à la tête du département de l’Économie.
Selon un responsable français, c’est Emmanuel Macron lui-même qui en prend pour son grade. Le président français a multiplié les derniers mois les gestes amicales envers Alger. Pendant la longue hospitalisation d’Abdelmedjid Tebboune en Allemagne, il a été aux petits soins avec lui n’hésitant pas à décrocher fréquemment le téléphone pour s’enquérir de son état de santé et lui apporter un soutien « visible ».
Mais quelle mouche a donc piquée les autorités algériennes ? D’après des sources bien informées à Alger, ce sont les généraux algériens qui ont fait le forcing sur la présidence pour décider le report de la visite. L’Algérie voulait manifester sa mauvaise humeur aux Français après l’annonce faite par le parti d’Emmanuel Macron La République En Marche LREM de l’ouverture d’une antenne à Dakhla. Mais ce qui a fini par mettre hors d’eux les militaires algériens, c’est la réunion en visioconférence entre le ministre des Affaires Etrangères, Nasser Bourita et son homologue français, Jean-Yves Le Drian et cela à la veille de la visite de ce dernier en Algérie.
Les Algériens ont également peu goûté le communiqué final à l’issue de cette réunion, puisque Le Drian a salué « la gestion exemplaire du Maroc de la pandémie de la Covid-19 et a renouvelé le soutien de la France au partenariat stratégique entre le Maroc et l’Union européenne (UE) ». Algérie a ressenti cet hommage pour le Maroc comme une pique directe contre elle. Alger n’arrivant pas jusque-là à mettre en place une stratégie cohérente de vaccination contre le Covid-19, alors que son voisin de l’Ouest est déjà à 8 millions et demi de doses inoculées.
« Les Algériens ont aujourd’hui les nerfs à fleur de peau. Ils accumulent les échecs à tous les niveaux : mauvaise gestion de la pandémie, pénuries de l’eau, de l’huile, de la semoule et des liquidités bancaires et surtout déclin diplomatique. Cela ne facilite pas le dialogue avec eux », résume un ancien ambassadeur français en Algérie, qui reste bien pessimiste quant à l’avenir de ce grand pays du Maghreb.