Tunisie : une contestation sociale partout et un État nulle part

Médecins, journalistes, ingénieurs et magistrats en grève. Des hauts cadres, des chômeurs et des non diplômés fuient, souvent en famille, un quotidien insupportable. Tous les indicateurs sont au rouge : une récession historique du PIB de l’ordre de 6,8%, une dette extérieure record de 92 milliards de dinars (environ 30 milliards d’euros) et des sociétés publiques en faillite, mais pas que… Ces derniers jours, la fièvre des contestations sociales a regagné les quatre coins du pays. Les manifestants bloquent, pour la énième fois, les sites de production et les routes et paralysent le ravitaillement de certaines régions pour réclamer des plans de développement et de l’emploi. L’heure est grave, et les responsables politiques continuent à se chamailler sans cesse. Certains les croyaient au fond du gouffre, mais non ! Ils creusent encore…

Au Parlement, c’est le cirque ! Les jours passent et se ressemblent au Bardo où les députés, censés proposer des projets de loi “révolutionnaires”, font régner une violence sans précédent : clash à répétition, régionalisme, homophobie et agressions physiques. De l’autre côté, entre Carthage et la Kasbah, c’est également la guerre. Depuis des mois, le président Kaïs Saïed et le chef du gouvernement Hichem Mechichi se livrent une bataille rangée, dont la dernière querelle en date est en rapport avec la tenue d’un dialogue national pour sortir de la crise. Alors que Mechichi compte privilégier un dialogue avec les représentants des partis politiques et des blocs parlementaires, l’expert en droit constitutionnel, veut “un dialogue national innovant où il n’y aura point de place pour les corrompus”, en référence aux liens douteux entre le chef de l’exécutif avec Ennahdha, Qalb Tounes et Alliance Al Karama.

Certes, l’inefficacité des gouvernements successifs, depuis la révolution de 2011, est à l’origine de la situation sociale, économique et financière chaotique, mais Hichem Mechichi demeure l’architecte du désordre actuel. Par sa gestion très contestée du dossier El-Kamour, ses décisions démesurées et son incapacité à dire non, le chef de l’exécutif a déclenché des mouvements de colère et de revendication partout en Tunisie. Au moment où le spectre de la faillite plane, citoyens et hommes politiques s’activent pour voir Saïed à l’œuvre afin de remédier à cet imbroglio. Comment ? En activant l’article 80 de la Constitution qui autorise le président de la République à prendre des mesures exceptionnelles, et ce “en cas de péril imminent menaçant les institutions de la nation et la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics”. Objectif : restaurer l’autorité de l’État et rallumer les locomotives éteintes de l’économie pour redonner espoir aux Tunisiens et primer une justice sociale. Une mission impossible au vu du marasme actuel…

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