Le compte à rebours a commencé pour l’élection présidentielle de 2019 en Algérie. Mais un scénario inquiète à Alger. Il s’agit de l’éventuelle candidature d’Issad Rebrab, l’homme le plus riche du pays et de l’ensemble du Maghreb. Le patron du groupe Cevital, avec une fortune estimée à près de 4 milliards de dollars, est le seul poids lourd qui pourrait semer le trouble dans les calculs du clan d’Abdelaziz Bouteflika.
Le milliardaire est en conflit ouvert depuis 2015 avec de nombreux acteurs influents du clan présidentiel. Sa guerre froide avec les frères Kouninef, une richissime famille qui veut se tailler une place dans le marché agroalimentaire dominé par Cevital, a énormément déstabilisé l’homme d’affaires très populaire en Kabylie et dans plusieurs autres régions d’Algérie. En 2016, Rebrab prend une dimension politique lorsqu’il s’oppose à l’Etat algérien qui avait annulé son projet de rachat du groupe El-Khabar, un fleuron des médias et porte-voix de l’opposition anti-Bouteflika.
Touché mais pas coulé. Depuis l’affaire El-Khabar KBC, la chaîne de télévision privée qu’il voulait transformer en grande concurrente d’Ennahar TV, chapelle politique du régime de Bouteflika, Rebrab est devenu acteur politique à son corps défendant. L’homme ne veut pourtant que protéger son empire CEVITAL bâti depuis les années 1990. Mais les autorités algériennes sont déterminées à en finir avec son monopole, et encouragent les Kouninef à lancer leur propre raffinerie d’huile pour enlever des parts de marchés à Cevital.
Conscient des dangers qu’un tel projet représente pour son groupe, Rebrab politise volontiers son affaire et crie partout son opposition au régime. Le palais d’El-Mouradia a tenté de le menacer directement. C’est notamment le cas de l’ancien patron du FLN, Amar Saadani, qui en mai 2016 lui lance: « si tu fais de la politique, tu perds ta fortune ! », lui a-t-il dit.
Rebrab se calme un tant soit peu mais accuse toujours des membres de l’entourage du Président Bouteflika de comploter contre ses entreprises. Ami du général Toufik, l’ancien patron du DRS, du général Nezzar, l’ancien artisan de l’arrêt du processus électoral de 1991, ou du général Touati, éminence grise des généraux algériens, Rebrab connait très bien le petit milieu de la politique algérienne. Pour riposter aux attaques du régime, il met en place un plan qui menace de faire sortir des milliers de personnes à Tizi-Ouzou et Béjaïa, où il est le premier employeur.
Aujourd’hui, plusieurs de ses proches lui conseillent officiellement de retirer les formulaires de candidature à l’élection présidentielle de 2019 pour exercer un intense pressing sur le régime algérien, dans le but de le contraindre de suspendre sa machine offensive contre l’empire Cevital. Une candidature de Rebrab risquerait de créer une situation politique inédite en Algérie : un industriel populaire qui défie le régime. La popularité de l’homme d’affaires est une arme politique redoutable, et le Palais d’El-Mouradia en est conscient. C’est pour cette raison que la pression a baissé d’un cran autour des diverses entreprises de la famille Rebrab.
Ce dernier n’a pas encore dit son dernier mot aux amis, fidèles et collaborateurs, qui le prient de s’engager dans la course à la présidentielle de 2019. Retors et intelligent, il préfère faire peur que de se bagarrer. « Il veut juste qu’on le laisse travailler, mais s’il est obligé de recourir à la politique et à la rue pour se défendre, il le fera », avertit une source très proche du milliardaire algérien. Le message a bel et bien été reçu à El-Mouradia. Et sa réponse se fera connaître dans les jours à venir.