Affaire Germaneau/AQMI : comment l’Algérie a doublement piégé la France

«Lamentable…amateur… aventureux», tempête cet ancien haut responsable de la DGSE (services français de renseignement extérieurs) rencontré par Maghreb-intelligence dans un hôtel du centre ville d’Oslo, non loin des ambassades américaine et algérienne.

L’ancien barbouze, la soixantaine bien entamée, et qui n’a pas totalement décroché est ferme : «l’opération menée conjointement le 22 juillet par les forces mauritaniennes et françaises au Mali contre AQMI est une manipulation algérienne. Les Français se sont fait avoir comme des bleus par le DRS algérien. Alger tient sa revanche sur la France».
Au fil de l’entretien, l’ancien cadre de la DGSE se fait plus précis. D’après lui, les Algériens n’ont jamais digéré la libération par le Mali des prisonniers d’Al Qaïda en contrepartie de la libération de l’otage français Pierre Camatte. La transaction s’était déroulée sans qu’Alger n’y soit associée. L’occasion se présente vers la fin du moi de juin quand Nicolas Sarkozy, au plus bas dans les sondages, sollicite officieusement l’aide des Algériens pour pouvoir libérer Michel Germaneau et frapper ainsi un grand coup médiatique. Côté français, c’est le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant qui sert de contact avec les Algériens. El Mouradia jubile et remet le dossier au DRS. Dans les quinze jours qui suivent, la sécurité militaire algérienne remet aux Français des photos et des informations sur un campement repéré au Mali, à 150 kilomètres de la frontière mauritanienne, et dans lequel pourrait se trouver l’otage français.
Saisi par l’Elysée, la DGSE et l’armée se montrent très réticents. Ils ne font pas confiance au DRS. L’Etat-major de l’armée française échaudé par l’exemple afghan redoute l’embuscade. Quant à la DGSE, ses informateurs au Mali et au Niger lui disent qu’ils n’ont jamais entendu parler d’un campement ou d’un groupe terroriste actif dans la région indiquée par les documents algériens. En outre, selon les informateurs de la DGSE, Michel Germaneau aurait succombé début juin à une crise cardiaque. L’Elysée n’en a cure. Sarkozy veut montrer à l’opinion publique de son pays toute sa fermeté.
Vers le 10 juillet, l’Elysée ordonne une opération militaire pour tenter de récupérer Michel Germaneau. Même si l’intervention devait se dérouler dans le territoire malien, c’est avec les forces mauritaniennes que cela se fera. Le but derrière ce choix est de calmer la colère du général Aziz qui n’a toujours pas compris pourquoi Paris avait payé une rançon pour libérer Camatte. Les Algériens sont mis au parfum. Ils encouragent la France à aller de l’avant et promettent de l’aide sur le plan du renseignement.
D’après notre source, les Algériens avaient flairé le bon coup. Tout d’abord engager les Français dans une action où ces derniers perdraient leur prestige auprès de leurs anciennes colonies. Ensuite humilier le Mali dont des troupes étrangères violeraient le territoire sans qu’il ne puisse réagir. Et enfin, démontrer que c’est l’Algérie le nœud de la lutte contre AQMI. D’ailleurs, au même moment où les Mauritaniens et les Français s’attaquaient à un vulgaire bivouac de trafiquants où se ravitaillent de temps à autres des membres d’AQMI-6 morts-, les troupes de l’Algérie, du Niger et du Mali menait une autre opération au nord du Mali. Pas de bol cette fois-ci pour les Algériens. L’opération qu’ils ont mené au nom de l’Etat-major opérationnel conjoint installé à Tamanrasset s’est soldée elle aussi par un échec. « Très maigre consolation pour l’Elysée », conclue notre source.

 

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